L'EXODE DE LA FAMILLE VERPY AU MOIS DE MAI 1940

 


Le 10 mai 1940, sept mois après la déclaration de guerre de la France et de l'Angleterre à l'Allemagne, celle-ci rompt le front occidental. Hitler met fin à la «drôle de guerre» et lance ses armées sur les Pays-Bas, la Belgique et la France.

Dès le début de l'invasion allemande, en Belgique comme en France, les habitants des villes et des villages fuient vers un improbable abri dans le Sud.

En quelques jours, huit à dix millions de Belges et de Français se retrouvent sur les routes, sous le feu des Stukas, les avions allemands qui piquent sur les colonnes de réfugiés et les mitraillent en faisant retentir leurs sirènes, surnommées «les trompettes de Jéricho
».


L'exode des civils fuyant l'avancée des
troupes allemandes en Mai-Juin 1940.

Mai 1940. Voilà tout juste un mois que la famille Verpy est arrivée à la ferme du Fourneau. Depuis 8 mois la France est en guerre. Les troupes allemandes avancent l’armée française est en déroute.

La ferme est voisine de la Gendarmerie de Montigny. Compte tenu de la tournure des évènements, les gendarmes conseillent à la famille Verpy de partir au plus vite. Le gendarme Regnault a demandé à sa femme de partir avec eux. Depuis plusieurs semaines, beaucoup de voitures passaient à Montigny : des gens du Nord, des Belges mais aussi des Polonais qui fuyaient.

Tout le monde se prépare. Robert Soupeau, commis de ferme, sera du voyage. Il atèle trois voitures à un cheval. Le quatrième cheval de la ferme déjà âgé, suivra le convoi attaché à la dernière voiture. A part les meubles de la maison qui ne peuvent être emporté, les 3 voitures sont chargées au maximum : matelas, literie, vêtements, vaisselle, enfin tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne, sans oublier les bicyclettes. La femme du gendarme, à elle seule, occupe presque une voiture !

C’est donc un convoi composé d’une dizaine de  personnes (dont 6 enfants) qui démarre en début d’après-midi. A part les chevaux qui tirent les voitures, les autres bêtes de la ferme sont abandonnées Il fait beau et même chaud en ce mois de mai 1940. En sortant de la ferme, ils prennent la direction de Veuxhaulles, commune  distante d’un kilomètre. Au cours de leur périple, ils rencontreront beaucoup de voitures sur la route qui comme eux partent, sans savoir où.


Les voitures tirées par un cheval sont chargées au maximum

Arrivés à Veuxhaulles, ils décident de prendre la direction de La Chaume. Mais à la sortie du village, le pont de chemin de fer sous lequel la route passe, a sauté. Un wagon est suspendu en équilibre au-dessus du pont, la route est barrée, impossible de passer.


A Veuxhaulles, un wagon est suspendu en équilibre au-dessus du pont

Ils font demi-tour et décident de  passer par la gare pour trouver plus loin la route de la Chaume. Pourquoi, cette direction ? ils ne savent pas ; ils partent au hasard, direction le sud, puisque les allemands arrivent par le nord ! Au cours de leur voyage, ils rencontreront d’autres familles comme eux. Question :. « où allez-vous ?» Réponse : « On ne sait pas ! »

Il n’est pas loin de 18 heures lorsqu’ils arrivent à La Chaume. Ils n’entrent pas dans le village et décident de faire halte au bord de la route à l’entrée d’un bois. Ils déplient les matelas et tout le monde couche à la belle étoile.

Après une nuit calme, le lendemain le convoi repart à nouveau et le soir venu la famille arrive à Prusly-sur-Ource où elle décide de passer la nuit . A Prusly, Maurice et Hélène Verpy et leurs enfants retrouvent la famille Labbé et leurs 2 garçons. Ils viennent de Gevrolles, petit village à côté de Montigny, Eux aussi, partent au hasard. Ils ont 2 voitures à chevaux et une vache grâce à laquelle tout le monde pourra boire du lait frais.

Le lendemain matin , les familles Verpy et Labbé décident de faire route ensemble et prennent la direction de Bremur et Vaurois. En fin de journée, après Bremur, le convoi fait halte au petit village de Semond. Dans son périple, la famille Verpy aura ainsi parcouru 70 km depuis Montigny-sur-Aube. Le groupe s’installe dans la grange d’une ferme qui semble abandonnée.

La famille Verpy reste 3 jours à Semond. Robert Soupeau le commis et Roger Verpy, le fils, partent à pied à St Marc, commune proche, où se trouve la laiterie abandonnée. Comme d’autres exilés, ils rapportent plusieurs meules de gruyère qui régaleront tout le monde.

Après 3 jours à Semond, la famille Verpy décide de retourner à Montigny. Sur le chemin du retour, ils croisent des allemands sur leur moto. Robert, âgé de 6 ans, crie à sa mère « maman c’est ça les boches ? Réponse : « tu vas te taire ! »... et les motos sont passées.

En fin de journée, ils sont de retour à Montigny après un voyage de 8 jours. Arrivés à la ferme du Fourneau, ils ont la surprise de voir que la maison est occupée par une famille originairre du Nord, comme eux exilée. Elle s’est installée à la ferme, a trait les vaches et donné le lait aux cochons ! A la question de Maurice Verpy « que faites vous là ? » les gens du Nord répondent : « mais nous sommes chez nous ! Entendant cela, Maurice Verpy leur dit à haute voix : «ça par exemple ! je voudrais bien voir ça ; c’est nous qui sommes chez nous et vous allez repartir immédiatement !! ». Voyant le ton qui montait les occupants quittent les lieux...

...Et la famille Verpy se réinstalle pour reprendre ses habitudes à la ferme.